Éthique et technologie : le rôle essentiel du CCNE du numérique

Officialisé par le décret n° 2024-463 du 23 mai 2024, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) dédié au numérique est une avancée significative dans la régulation et la réflexion éthique des innovations technologiques.

La télémédecine, l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA), les big data et les objets connectés sont autant d’avancées technologiques susceptibles de provoquer des questionnements éthiques. En effet, même si ces évolutions peuvent faciliter la recherche scientifique, améliorer la qualité de vie, la productivité des entreprises ou encore la sécurité des biens et des personnes…, elles posent aussi des questions cruciales sur la confidentialité des données personnelles, le consentement des utilisateurs, l’équité d’accès et la responsabilité des décisions automatisées.

C’est dans le but de guider l’utilisation responsable de ces technologies que le CNPEN, Comité national pilote d’éthique du numérique, a été lancé en 2019 par le Gouvernement.

Placé sous l’égide du CCNE (Comité consultatif national d’éthique) pour les sciences de la vie et de la santé, le CNPEN est une institution consultative indépendante composée de bénévoles, spécialistes du numérique (philosophes, médecins, juristes…). Ces derniers sont libres de s’autosaisir ou de répondre à des saisines pour statuer ou donner des avis (avec recommandations) sur des grandes questions autour de l’éthique du numérique, parfois en lien avec le domaine de la santé.

Impact et pertinence

En mai 2024, après cinq années d’actions concluantes et neuf avis publiés (voir ci-contre), le CNPEN a été officialisé pour devenir le pendant numérique du CCNE pour les sciences de la vie et de la santé. Une manière d’institutionnaliser la structure et de l’inscrire dans la durée. « Durant la période Covid, le CNPEN a été fortement mis à contribution, notamment au niveau de l’application Tous anti-covid, souligne Hélène Gebel, formatrice indépendante en éthique et ancienne coordinatrice de la CNERER (Conférence Nationale des Espaces de Réflexion Ethique Régionaux). Il a également été sollicité sur plusieurs sujets importants et a surtout su tisser des liens avec d’autres pays. En très peu de temps, le comité a su prouver sa pertinence et son impact, au même titre que le CCNE pour les sciences de la vie et de la santé quelques décennies plus tôt ».

Sa particularité ? Sa proximité avec le gouvernement. « Il existe, dans le monde, d’autres comités d’éthique spécialisés dans le numérique, poursuit Hélène Gebel, mais aucun n’est aussi haut placé dans l’administration. Même si les avis produits par le CCNE du numérique n’ont pas de valeur légale et que le gouvernement et les acteurs privés n’ont pas l’obligation de les mettre en application, leur prise en compte par ces grands décideurs est tout de même très importante ».

Sensibilisation du public

Dans nos sociétés, où les évolutions technologiques s’enchainent quasi quotidiennement, un comité tel que le CCNE du numérique est donc essentiel. « Même s’il est impossible de maîtriser la vitesse et la nature de ces avancées, nous pouvons, grâce à ce type d’instance, anticiper et réfléchir aux grandes questions éthiques qu’elles soulèvent. Cela permet d’établir certains garde-fous », précise Hélène Gebel.

Les enjeux éthiques sont d’ailleurs de taille, notamment dans le domaine de l’IA, depuis peu démocratisée avec ChatGPT. « Avec l’IA générative, c’est notre rapport à la vérité qui est mis en tension, poursuit Hélène Gebel. Qui y a-t-il derrière chaque article de presse ou photographie diffusés sur les réseaux sociaux, les journaux ou les sites internet ? Sont-ils authentiques ? Cela suppose un véritable travail de sensibilisation auprès de la population. En France, nous sommes attachés à l’esprit critique, mais désormais, il va falloir davantage le développer ».

La création du CCNE du numérique, ou tout du moins sa pérennisation, arrive donc à point nommé et offre une précieuse opportunité d’anticiper les enjeux éthiques liés aux nouvelles technologies. De quoi contribuer à une évolution harmonieuse et sécurisée de notre société.  A suivre.

Neuf avis publiés

-N°9 (avril 2024) Métavers : enjeux d’éthique

– N°8 (janvier 2024) Enjeux éthique des technologies de reconnaissance faciale, posturale et comportementale

– N°7 (juillet 2023) systèmes d’intelligence artificielle générative : enjeux d’éthique

– N°6 (juillet 2023) Rétroactivité d’un changement de nom dans les documents scientifiques numériques : enjeux d’éthique du numérique

– N°5 (mai 2023 avis commun avec le CCNE) : Plateformes de données de santé : enjeux d’éthique

– N°4 (janvier 2023 avis commun avec le CCNE) : Diagnostic médical et intelligence artificielle : enjeux éthiques

– N°3 (novembre 2021) : Agents conversationnels : enjeux d’éthique

– N°2 (avril 2021) Le « véhicule autonome » : enjeux d’éthique

– N°1 (mai 2020) : Enjeux d’éthique concernant des outils numériques pour le déconfinement

Pour en savoir plus :  www.ccne-ethique.fr

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