Edition du Génome. Des débats citoyens organisés dans toute la France

Les techniques d’édition du génome permettent d’effectuer des modifications génétiques ciblées dans tout type de cellule, humaine, animalière et végétale, grâce à des ciseaux moléculaires spécifiques. Elles soulèvent des enjeux scientifiques, techniques, éthiques et sociétaux tels, qu’il est primordial d’y associer la réflexion des citoyens du monde entier. C’est l’objectif du projet (Global Citizens Assembly on Genome Editing).

La toute première assemblée mondiale de citoyens sur l’édition du génome* (global citizens assembly on genome editing) a eu lieu au sein du Centre pour la démocratie délibérative et la gouvernance mondiale de l’université de Canberra en Australie.

Son ambition : transmettre les recommandations citoyennes de cette assemblée (représentant différents pays de tous les continents) aux grands décideurs mondiaux tels que les Nations Unies, l’OMS (organisation mondiale de la santé), et les principales parties prenantes de l’industrie, de la société civile, de la science et de la recherche.

En France, le projet d’organiser des délibérations démocratiques telles que des jurys de citoyens, a été confié à l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) qui a sollicité les espaces de réflexion éthique régionaux (ERER).

Comme pour les Etats-généraux de la bioéthique en 2018, de septembre 2021 à mai 2022, certains ERER ont mené à bien ces consultations citoyennes inédites autour des problématiques éthiques soulevées par l’édition du génome : au total, 286 citoyens consultés (trois fois mieux qu’aux Etats-Unis) : Bretagne, Paca Corse, Grand-Est, Ile de France, Occitanie et le Centre Val de Loire.  

Les participants étaient âgés de 14 à 77 ans et plus de la moitié avaient 18 ans ou moins : collégiens, lycéens (53,5 %), étudiants (26,8 %), cadres (8,1 %) retraités (7 %) et professions intermédiaires de la santé et du travail social, (2,8 %).

La réflexion s’est globalement organisée via plusieurs sessions de petits groupes de travail en présence d’animateurs et d’experts. Après avoir signé une charte, les citoyens se sont penchés sur de plusieurs thématiques liées à l’édition du génome : la gouvernance, l’usage médical et les autres usages (par ex sur les animaux).

Une utilisation à visée uniquement curative

La restitution de ces débats permet de distinguer quelques tendances communes comme, par exemple, en matière de gouvernance, le principe d’une régulation internationale avec déclinaisons nationales encadrées (secret professionnel, égalité, prix réglementés…). Les craintes se cristallisent autour des modalités d’accès (pays riches/pays pauvres) et la supériorité des enjeux économiques sur les enjeux éthiques.

Concernant l’usage médical, les citoyens français participants estiment que l’édition du génome doit être utilisée à des visées curatives uniquement, notamment pour des maladies graves et incurables. La crainte du coût des médicaments et des thérapies a également été soulevée tout comme les risques liés à la descendance (modifications irréversibles ?).

Pour les autres usages, d’une manière générale, les personnes consultées sont d’accord pour réduire les pesticides, lutter contre le gaspillage alimentaire et la famine, préserver l’écosystème, accroître le bien-être animal et neutraliser les maladies touchant les végétaux et animaux. A contrario, elles pointent du doigt le risque d’usages malveillants (crimes, guerre), l’expérimentation animale ou encore le dérèglement de la nature.

Distinction entre deux utilisations du génome

Dans le détail, on peut noter quelques consensus de la part des citoyens sollicités.

Les 34  participants sélectionnés de la région PACA ( la plupart issus du monde sanitaire ou médico-social) ont majoritairement affiché un refus catégorique de l’utilisation de l’édition du génome à visée « d’augmentation de l’être humain » (repousser provisoirement ou définitivement la mort). Ils proposent même une « interdiction internationale de cette technique dans ce contexte ».

Les thèmes du vieillissement et de l’espérance de vie ont également suscité l’intérêt du jury citoyen de Normandie (groupe d’étudiants, de citoyens et deux groupes de collégiens). Selon lui, « si la société souhaite autoriser l’édition du génome pour augmenter l’espérance de vie des individus, il faut également qu’elle repense l’utilité sociale et intellectuelle des personnes âgées. Ces dernières ont besoin de projets si elles vivent encore plus longtemps qu’aujourd’hui ».

Un consensus est également apparu au sein des 14 membres (la moitié étudiants) du Centre Val de Loire sur la délimitation du champ d’application de la technique dans le cadre de la recherche. La majorité des participants estiment que les « recherches doivent exclusivement porter sur des embryons qui n’ont pas vocation à être implantés, car il existe encore des failles techniques ».

Au cours des ateliers organisés en Ile de France (31 lycéens et étudiants) l’impact négatif sur l’espèce humaine a aussi été soulevé. Le principe d’une distinction entre deux utilisations du génome, soit préventive, soit curative, a été acté. « La loi devrait encadrer ces deux utilisations qui sont très distinctes et qui n’ont pas le même but ni la même vocation ». Tout comme elle devrait « encadrer aussi la modification de cellules germinales qui, par exemple, avec le forçage génétique, pourrait avoir des impacts sur plusieurs générations ».

L’édition du génome « ne doit pas être utilisée pour éradiquer des espèces jugées « nocives » 

L’usage animalier a également suscité le débat. Dans la région Grand Est (32 personnes dont plus de la moitié issues du monde de la santé), les membres de la table ronde ont majoritairement estimé que l’emploi de l’édition du génome sur les animaux « ne doit pas être utilisé pour éradiquer des espèces jugées « nocives » (moustiques, criquet), mais plutôt chercher à « modifier » ces-dernières pour leur permettre une bonne cohabitation avec l’espèce humaine ». Ils proposent aussi de développer le concept de « sauvegarde » génomique, en conservant des échantillons des espèces non modifiées afin de se donner une possibilité de « revenir en arrière » si les choses n’évoluent pas comme les chercheurs et techniciens l’espéraient.

En Bretagne (25 élèves en terminale générale), les impacts négatifs sur les écosystèmes ont été répertoriés, comme la perturbation de la chaîne alimentaire, la disparition d’espèces ou la disparition de la sélection naturelle. Des points positifs ont toutefois été reconnus comme les économies d’eau et de pesticides, la reforestation, le regain de fertilité des terres et la fin de la disparition de certaines espèces.

Autant de questionnements, de craintes et d’espoir formulés au cours de ces rencontres aussi enrichissantes que constructives.

L’apport de cette nouvelle technologie à l’échelle mondiale pousse, en effet, naturellement les citoyens à s’interroger sur le rôle de la science et du progrès. Associée à l’amélioration des conditions de vie, elle peut aussi entraîner la survenue de catastrophes. Les contributions des populations à l’échelle mondiale entendent justement peser dans la balance et offrir davantage de contrôles. 

* Les techniques d’édition du génome permettent d’effectuer des modifications génétiques ciblées dans tout type de cellule, grâce à des ciseaux moléculaires spécifiques.

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