L’éthique au cœur du soin : une enquête révèle une prise de conscience émergente
En avril 2024, l’EREGIN a interrogé les professionnels de santé sur l’intégration de la réflexion éthique dans leurs pratiques. Les résultats montrent que, bien que l’éthique commence à s’imposer dans les pratiques professionnelles, il reste un besoin important de formation et de sensibilisation.
Comment les soignants intègrent-ils l’éthique dans leurs pratiques professionnelles ? Disposent-ils d’une instance au sein de leur structure ? Quelles sont leurs principales difficultés ? De quoi ont-ils besoin ?
Autant d’interrogations que l’EREGIN, Espace de Réflexion Ethique de Guadeloupe et des Îles du Nord, a voulu explorer via une enquête lancée en partenariat avec l’agence de santé Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy (ARS). Une action menée en avril 2024 dans le cadre de sa mission d’observatoire régional des pratiques éthiques inhérentes aux sciences de la vie et de la santé (art 4 de la convention constitutive).
Un questionnaire a ainsi été adressé par mail à l’ensemble des établissements sanitaires et dans certaines structures médico-sociales, publics et privés, de Guadeloupe et des Îles du Nord. Objectif : permettre à l’EREGIN de prendre place efficacement auprès de ces professionnels dans le cadre de ses missions, qui incluent notamment la sensibilisation et la formation à la réflexion éthique.
Au total, 71 personnes issues de 62 établissements ont répondu à l’enquête, ce qui représente près de 50 % des 136 structures qui ont été sollicitées.
La plupart constituent des établissements médico-sociaux, de type EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) ou structures d’accueil pour des personnes en situation de handicap. Cependant ce sont les établissements de santé, en nombre inférieur, qui ont le mieux participé à cette enquête, leur taux de retour étant de 95 % (21/22).
Une prise de conscience indéniable
Dans le détail, les résultats de cette enquête sont riches d’enseignement pour l’EREGIN.
On y apprend, par exemple, que 98 % des personnes répondantes estiment avoir déjà été confrontées à des « problématiques éthiques pouvant rendre difficile la prise de décision ». Le résultat est toutefois biaisé car ce sont les managers et/ou directeurs-rices, déjà sensibilisés, qui ont répondu à l’enquête.
La fréquence à laquelle ces personnes doivent faire face à des problèmes éthiques est variable : 7 % toutes les semaines, 32.4 % tous les mois, 43,7 % environ une fois par an et 15.5 % moins souvent.
En effet, les grands établissements de santé, comme les CHU, concentrent davantage de situations complexes (notamment d’un point de vue médical) qu’une structure médico-sociale, et avec une densité de patients plus importante.
Toutefois, 60.6 % des répondants estiment que les personnels de leur structure ne sont pas en mesure d’identifier clairement une situation, voire une problématique éthique. Plus de 46 % d’entre eux pensent même que ces personnels ne sont pas du tout formés à la réflexion éthique ; 35 % pensent qu’ils sont formés, mais pas suffisamment et 18 % de façon inégale.
Ces résultats révèlent donc, de manière très marquée, le manque de formation et de sensibilisation à l’éthique dans les établissements de santé de Guadeloupe et des Îles du Nord.
Les questionnements en lien avec le référent éthique et ses missions font également état d’une problématique récurrente : le bénévolat. Animer une instance de réflexion éthique, sans temps dédié, sur la base du volontariat, est un véritable frein à l’éthique. En effet, le risque est grand de voir ces personnels s’essouffler au fil des ans, notamment par manque de temps pour accomplir leur tâche et de reconnaissance par leur hiérarchie.
Obligation légale
La seconde partie de l’enquête ne s’adresse qu’aux établissements disposant déjà d’une instance de réflexion éthique fonctionnelle ou ayant un projet de restructuration de leur instance existante ou un projet de création. À ce jour, en Guadeloupe et dans les Îles du Nord, deux structures en sont pourvues, seize autres sont en cours de création ou de restructuration, alors même que l’organisation de la démarche de réflexion éthique est une obligation légale depuis 2002 (article L6111-1 de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé).
Sur cette question, les réponses obtenues révèlent que, parmi les principales raisons qui motivent la création d’une instance de réflexion éthique, figurent les nouveaux critères d’évaluation de la Haute Autorité de Santé (HAS) ; laquelle a intégré, en effet, depuis 2022, les pratiques éthiques dans les critères d’évaluation des établissements. Ces critères ont accentué les besoins d’une réflexion éthique en interne dont la démarche doit être mieux structurée.
L’EREGIN constate avec satisfaction que plusieurs établissements se sont fixés l’objectif d’une démarche de sensibilisation à la réflexion éthique pour mieux répondre aux besoins des personnels et bien évidemment des usagers. Toutefois, le principal obstacle réside dans l’approche méthodologique. C’est précisément sur ce point que l’EREGIN pourra leur apporter son soutien.
Évaluation de la démarche éthique dans les structures de soins :
résultats et perspectives
Enquête réalisée
par l'EREGIN
D’avril à mai 2024, une enquête a été lancée auprès des établissements de santé et médico-sociaux pour évaluer l’organisation de leur démarche de réflexion éthique. Proposé par l’EREGIN en partenariat avec l’ARS, ce questionnaire approfondi vise principalement à améliorer, à long terme, l’accompagnement des structures de soins sur le questionnement éthique.
Les réponses apportées doivent permettre à l’EREGIN, comme l’exige sa mission, de se positionner efficacement auprès des professionnels de santé en matière de sensibilisation et d’accompagnement. L’objectif de cette enquête est aussi de répertorier les structures dotées d’une instance éthique ou organisées pour mener une démarche de réflexion éthique au sein de leur structure. C’est aussi l’occasion de recenser les référents éthiques et à long terme mettre en place un réseau régional des référents éthiques.
Les résultats de cette enquête ont été analysés fin mai et ont permis d’être au plus près des attentes et préoccupations des professionnels du soin lors des séminaires organisés les 26 et 28 juin 2024 et portant sur la démarche de réflexion éthique : sensibilisation et organisation.
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