shema adn à deux branches bleu turquoise - modification du génome humain

L’édition du génome humain au prisme du questionnement éthique : une invitation à la réflexion

Les techniques de séquençage du génome permettent aux chercheurs d’effectuer des modifications génétiques dans tout type de cellule chez l’Homme, l’animal ou le végétal. Elles soulèvent toutefois de nombreuses questions à la fois scientifiques, techniques, éthiques et sociétales.

En 1952, la découverte de la structure de l’ADN a constitué un véritable tournant pour la science dans notre connaissance du vivant. Depuis, le développement des savoirs et des techniques ont contribué à étendre considérablement nos connaissances du génome et en particulier du génome humain, ouvrant la voie à une meilleure identification des maladies génétiques.

 En 2012, la génétique connaît un nouveau bond en avant avec la mise au point d’une technique d’édition du génome, les fameux « ciseaux génétiques » CRISPR-Cas9 ». En 60 ans, les avancées scientifiques nous ont ainsi permis de passer de la description du génome à sa modification. Elles ouvrent un nouvel espace de possible pour la génétique dans ses différents champs d’intervention, à commencer par la médecine.

Mais en augmentant le pouvoir de l’Homme sur la vie, cette découverte soulève aussi un certain nombre de questions fondamentales, des questions, au fond, qui interrogent les valeurs éthiques et morales de notre société, dans la conduite des sciences et de leurs applications.

Dans quelle mesure les progrès de la science constituent-ils des progrès pour l’humain et le vivant ? Doit-on chercher à intervenir sur l’ADN au seul motif que nos connaissances nous en donnent désormais la possibilité ? Dans quelles limites ? À quelles conditions ? Comment identifier et se prémunir des mésusages possibles de ces découvertes ?

L’adage est désormais bien connu : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » et l’Histoire nous a montré, parfois à nos dépends, combien l’éthique et la science doivent cheminer main dans la main pour ne pas confondre innovation et progrès.

            Ces questions de bioéthique, puisque c’est de cela qu’il s’agit, l’espace de réflexion éthique de Guadeloupe et des Iles du nord vous propose de les aborder et de vous en saisir à travers ce dossier d’information. À partir des définitions et des informations essentielles, complétées de diverses ressources pour approfondir le sujet, il vise à vous faire comprendre le principe, les applications et les enjeux de l’édition génomique pour susciter questionnements et débats.

Première étape de ce parcours réflexif : en quoi consiste l’édition du génome et quelles sont ses finalités ?

1. L'édition du génome : Pourquoi ? Comment ? Pour qui ?

Le mot « génome » est la combinaison des mots « gène* » et « chromosome ». Il correspond à l’ensemble du matériel génétique d’un organisme. Chez la majorité de ces organismes, ce génome correspond à l’ADN* présent dans les cellules. 

Ce qui fait débat aujourd’hui se cristallise non pas autour du génome spécifiquement, mais autour d’une technique scientifique qui lui est associée : celle de « l’édition* » du génome. De quoi s’agit-il exactement ? Cette méthode est révolutionnaire car elle permet aux chercheurs d’effectuer des modifications génétiques ciblées dans tout type de cellule, grâce à des ciseaux moléculaires spécifiques. Elle s’applique donc à n’importe quelle espèce, à toute la biodiversité du vivant sur la planète.

Qu’il s’agisse de transformer des cellules végétales, animales ou humaines, cette technique fait débat car elles soulèvent des questions éthiques pour la santé des individus, la préservation de la biodiversité et de l’environnement ou encore pour le bien-être animal. L’importance de ces questions fait qu’elles ne doivent pas être laissées uniquement à la main des scientifiques, des politiques et des éthiciens. Elles concernent la population dans son ensemble et les citoyens doivent être associés à la réflexion.

En France, l’Inserm (institut médical de la santé et de la recherche médicale) a sollicité les espaces de réflexion éthique régionaux (ERER) pour organiser des consultations citoyennes dans le même état d’esprit que lors du cadre des Etats généraux de la bioéthique en 2018.

 Pour bien comprendre les enjeux, il faut remonter aux années 80, date à laquelle les premiers outils de l’édition du génome ont vu le jour. Ces outils se sont perfectionnés au fil du temps et c’est en 2012 qu’une découverte révolutionne l’édition du génome : celle de la technique dite « CRISPR-Cas9 » caractérisée par sa très grande simplicité et son coût modeste. Il est donc devenu possible de couper un gène, mais aussi de le réparer, de le modifier ou d’en moduler l’expression en l’augmentant ou en la diminuant. La méthode est simple, rapide et efficace. À peu près n’importe quel laboratoire de biologie peut utiliser cette technique et a désormais accès à l’édition génomique. On peut dire qu’une « révolution biotechnologique est en marche ».

Cette technique, récompensée par le prix Nobel de chimie en 2020, a d’abord été utilisée sur des cellules de mammifères et elle est désormais couramment utilisée dans divers champs de la Recherche : l’agronomie, l’élevage, la recherche biomédicale etc.

Que permet-elle concrètement ? Utilisée sur des cellules animales et végétales, elle permet de développer des modèles sur-mesure. Par exemple, il est possible d’inactiver les gènes de susceptibilité au mildiou (parasite) chez la tomate ou la pomme de terre.

On peut également transmettre des gènes de résistance à des espèces menacées par des virus ou encore modifier le génome de certains bovins en vue d’accroître leur masse musculaire. 

On parle également de « forçage génétique* » qui pourrait permettre d’éradiquer complètement certaines espèces d’animaux, comme les moustiques vecteurs de maladies graves pour l’homme.

Utilisée sur des cellules humaines, cette technique de modification ciblée du génome suscite des espoirs considérables pour traiter des maladies incurables, rares et héréditaires.

Si l’édition génomique alimente légitimement nos espoirs, elle peut aussi susciter des craintes, en premier lieu quant aux risques liés à l’intervention sur le génome, véritable « plan de fabrication » du vivant. Au plan clinique, la connaissance de ces risques va permettre d’évaluer la fameuse « balance bénéfices-risques ».

En matière d’édition génomique, quels sont ses risques et comment sont-ils encadrés ? C’est ce que nous allons aborder dans la suite de ce dossier.

2. Trois risques identifiés et un encadrement strict

Depuis 2020, 35 essais cliniques ont lieu dans le monde entier et concernent notamment le traitement de maladies monogéniques*, d’hémopathies, certains cancers, le VIH ou encore des maladies neurologiques infectieuses. 

En France, trois médicaments disposent déjà d’une autorisation de mise sur le marché pour le traitement de lymphomes.

Existe-t-il des risques ? En effet, le risque majeur de l’édition génomique en thérapie est celui d’avoir des effets indésirables. Il existe trois risques bien identifiés : le premier est celui de créer des « mutations hors cible », c’est-à-dire en dehors de la zone initialement visée. 

Ces mutations non désirées peuvent modifier l’expression de gènes qui n’étaient pas ciblés, les inactiver, voire conduire à l’apparition de cancers.

Le second concerne ce qu’on appelle le mosaïsme*c’est-à-dire que toutes les cellules faisant l’objet d’une tentative d’édition génomique ne sont pas génétiquement modifiées de façon strictement identiques à la fin de celle-ci.  Le manque de recul compose le troisième risque majeur. Ce dernier ne permet pas de statuer sur la sécurité à long terme d’une modification génétique provoquée dans une cellule.

« La modification du génome humain ne peut être entrepris qu’à des fins médicales. »

Au-delà des risques potentiels, ce qui pose problème aujourd’hui concerne la modification ciblée du génome humain appliquée non pas aux cellules somatiques* (non transmissibles) mais à l’embryon* ou aux cellules germinales qui sont, elles, transmissibles aux générations futures.

En 2018, par exemple, trois enfants sont nés en Chine, suite à un transfert in utero d’embryons génétiquement modifiés. Cela a créé un véritable tollé au sein de la communauté scientifique mondiale. Ces expérimentations ont été condamnées car les précautions élémentaires tant sur le plan technique et que sur le plan éthique n’ont pas été prises.

En France, l’édition du génome est très encadrée même si la loi a récemment évolué. En effet, en août 2021, la révision de la loi relative à la bioéthique ouvre de nouvelles portes.

Désormais, les recherches sur l’embryon impliquant des modifications ciblées de son génome sont autorisées tant que l’embryon modifié ne fait pas l’objet d’un transfert in utero.

Certains interdits demeurent toutefois comme la création de chimères* par ajout de cellules animales dans un embryon humain, la création d’embryons à des fins de recherche ou de clonage (il ne peut s’agir que « d’embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation qui ne font plus l’objet d’un projet parental) et bien sûr le transfert in utero d’embryons génétiquement modifiés.

La France a également ratifié en 2012 la convention internationale d’Oviedo (1997) en vigueur dans 29 pays d’Europe. On y trouve une notion essentielle : « la modification du génome humain ne peut être entrepris qu’à des fins médicales (pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques) et seulement si elle n’a pas pour but d’introduire une modification dans le génome de la descendance ».

Le 12 juillet 2021, de nouvelles recommandations ont été publiées par l’organisation mondiale de la santé (OMS). L’enjeu est d’importance : il s’agit de faire de l’édition du génome humain un outil de santé publique, en mettant l’accent sur la sécurité, l’efficacité et l’éthique.

Au-delà de l’identification et de la gestion des risques génétiques, se pose également une autre question : comment l’édition du génome vient-elle résonner avec les valeurs éthico-morales de notre société ? 

Permet-elle de réaliser davantage la visée du soin au nom du respect des plus vulnérables, ou constitue-elle une menace potentielle pour le sens que nous donnons à la science, la médecine, et leurs missions dans une perspective humaniste ? 

C’est ce que nous vous proposons d’aborder dans la troisième et dernière partie de ce dossier.

3. Le risque d'eugénisme* relève-t-il du fantasme ? L’éthique face à l’édition du génome.

Le développement, en quelques décennies, d’une technique qui nous permet désormais de modifier le génome est assurément quelque chose de fascinant : elle peut nous rendre enthousiaste à l’évocation des espoirs qu’elle éveille en nous autant qu’elle peut susciter des craintes quant aux conséquences néfastes ou incontrôlées d’une manipulation du vivant.

L’édition du génome soulève une question philosophique, anthropologique et culturelle majeure : l’Homme peut-il et doit-il tout contrôler ? Elle nous interroge surtout au plan éthique quant au regard que nous devons poser sur l’édition du génome à la lumière de principes et de valeurs qui guident le respect de l’être humain et du vivant.

Pour certains, l’édition du génome est une chance inouïe pour des milliers de malades. Pour d’autres, elle peut ouvrir une boîte de pandore et menacer des générations entières.

Ici, personne n’a raison et personne n’a tort. Il s’agit surtout d’œuvrer collectivement à construire un cadre, poser des limites et penser une utilisation responsable de tout ou partie de ces avancées.

Ces questions sont complexes, elles n’appellent pas de réponses universelles ou certaines. Le champ et l’histoire de la bioéthique, notamment en France, sont traversés par des façons différentes de répondre à ces questions dont les réponses évoluent avec la société elle-même.

Surtout, elles n’appartiennent pas aux sachants : parce qu’elles interrogent directement la société et le monde dans lequel nous souhaitons vivre, l’intérêt général ou le bien commun, elles appartiennent à tout un chacun. Ce sont, dans le sens noble du terme, des questions politiques qui se posent à notre conscience citoyenne.

Tous ces débats sont d’ores et déjà engagés dans le monde entier et notamment en France. La consultation citoyenne sur les enjeux éthiques de d’édition génomique est une première pierre à l’édifice.

Pour prolonger cette lecture, vous trouverez via les liens suivants des articles d’information ou de réflexion pour mieux comprendre les possibilités techniques, les réalités sociales ou les enjeux éthiques de l’édition du génome tels qu’ils se dessinent à travers sa découverte et ses premiers usages.

Édition du génome humain : chance inouïe ou boîte de pandore ?

Le développement, en quelques décennies, d’une technique qui nous permet désormais de modifier le génome est assurément quelque chose de fascinant : elle peut nous rendre enthousiaste à l’évocation des espoirs qu’elle éveille en nous autant qu’elle peut susciter des craintes quant aux conséquences néfastes ou incontrôlées d’une manipulation du vivant.

L’édition du génome soulève une question philosophique, anthropologique et culturelle majeure : l’Homme peut-il et doit-il tout contrôler ? Elle nous interroge surtout au plan éthique quant au regard que nous devons poser sur l’édition du génome à la lumière de principes et de valeurs qui guident le respect de l’être humain et du vivant.

Pour certains, l’édition du génome est une chance inouïe pour des milliers de malades. Pour d’autres, elle peut ouvrir une boîte de pandore et menacer des générations entières.

Ici, personne n’a raison et personne n’a tort. Il s’agit surtout d’œuvrer collectivement à construire un cadre, poser des limites et penser une utilisation responsable de tout ou partie de ces avancées.

Ces questions sont complexes, elles n’appellent pas de réponses universelles ou certaines. Le champ et l’histoire de la bioéthique, notamment en France, sont traversés par des façons différentes de répondre à ces questions dont les réponses évoluent avec la société elle-même.

Surtout, elles n’appartiennent pas aux sachants : parce qu’elles interrogent directement la société et le monde dans lequel nous souhaitons vivre, l’intérêt général ou le bien commun, elles appartiennent à tout un chacun. Ce sont, dans le sens noble du terme, des questions politiques qui se posent à notre conscience citoyenne.

Tous ces débats sont d’ores et déjà engagés dans le monde entier et notamment en France. La consultation citoyenne sur les enjeux éthiques de d’édition génomique est une première pierre à l’édifice.

Pour prolonger cette lecture, vous trouverez via les liens suivants des articles d’information ou de réflexion pour mieux comprendre les possibilités techniques, les réalités sociales ou les enjeux éthiques de l’édition du génome tels qu’ils se dessinent à travers sa découverte et ses premiers usages.

Glossaire

ADN

L’ADN est une longue molécule chimique qui ressemble à une chaîne et porte le code génétique. L’une de ses caractéristiques principales est qu’il se présente généralement sous la forme de deux brins se reflétant et s’entrelaçant étroitement. Ces deux brins tournent sur eux-mêmes pour former la double-hélice.

Biohacker

Une personne qui mène des expériences en matière de biotechnologie et de génétique en dehors des cadres académiques, gouvernementaux ou commerciaux.

Cellules (germinales et somatiques)

Le corps de tout être vivant est fait de composantes appelées cellules. Chez les hommes, par exemple, il y a différents types de cellules (muscle, nerf, peau, etc.). 

Il est possible de faire une première distinction entre celles qui seront transmises aux générations futures, appelées cellules germinales (ex : spermatozoïdes et ovules), et celles qui ne seront pas transmises, appelées cellules somatiques (cellules hépatiques, cellules musculaires, etc.).

Édition

Nous parlons aujourd’hui, de manière métaphorique des techniques « d’édition » du génome pour évoquer les techniques permettant de modifier ou « corriger » ou « retoucher » le génome, comme s’il s’agissait d’un texte

Embryon

À la première étape de la création d’un être vivant (un homme, une plante ou un animal), un ovule fécondé par un spermatozoïde donne un embryon. Au fil du temps, l’embryon subit une série de divisions cellulaires et les cellules commencent à développer leurs propres fonctions distinctes (muscle, nerf, etc.).

Embryon chimérique

Un organisme contenant des cellules d’origines différentes mais sans mélange des matériels génétiques. Il peut s’agir de l’adjonction de cellules animales à un embryon humain (pratique interdite) ou de celle de cellules humaines à un embryon animal.

Eugénisme

Ensemble de méthodes et de pratiques se fixant pour but d’améliorer le patrimoine génétique de l’espèce humaine. Cela peut résulter d’une décision politique d’un État (refus de l’immigration, contrôle des mariages et stérilisation forcée de certaines populations), ou de positions individuelles (refus du handicap chez l’enfant, désir de l’enfant parfait).

Forçage génétique (gene drive)

Technique qui consiste à modifier génétiquement par CRISPR-Cas9 une population d’animaux ou de végétaux en forçant le ou les gènes modifiés à se transmettre aux générations suivantes.

Gène

Le génome humain comprend environ 25 000 gènes. Le gène est un segment d’ADN transcrit en ARN puis traduit en protéine. II contient des informations individuelles qui dictent à la cellule ce qu’elle doit faire pour assurer ses fonctions particulières.

Maladies monogéniques

Les maladies monogéniques résultent d’une mutation qui affecte un seul gène.

Mosaïcisme

On parle de mosaïsme lorsque les cellules ciblées par une technique d’édition du génome ne sont pas toutes modifiées de façon strictement identique à la fin de l’étude. Après coupure de l’ADN, un processus de réparation se met en place dans la cellule mais il engendre des erreurs que les scientifiques ne sont pas encore parvenus à contrôler.

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