Loi de bioéthique 2021 : quel monde voulons-nous pour demain ?

Le 4 août 2021, la quatrième version de la loi de bioéthique française est entrée en vigueur. Cette dernière révision se présente comme un texte de changements dans l’univers des grands principes de l’éthique médicale.

Promulguée le 2 août 2021, la dernière révision de la loi de bioéthique française s’inscrit dans un contexte de sauts technologiques inédits, auxquels s’ajoutent des attentes sociétales particulièrement fortes. Les développements scientifiques qui s’intensifient depuis plusieurs années font, en effet, émerger de nouveaux défis et soulèvent, au-delà de leur complexité spécifique, des questionnements éthiques dans le domaine des sciences de la vie et de la santé.

D’où l’intérêt d’une loi de bioéthique chargée d’encadrer et de réglementer les interventions techniques sur le corps humain et l’embryon soulevant des questions éthiques. La bioéthique se définit comme une discipline qui étudie les problèmes moraux liés à la recherche en biologie, en médecine, en génétique et à leurs applications. Elle vise à définir les limites de l’intervention de la médecine en garantissant le respect de la dignité de la personne. Son objectif est d’éviter toute forme d’exploitation dérivée de la médecine (trafic d’organes, clonage humain…). 

Il aura toutefois fallu deux ans de navettes parlementaires pour que cette nouvelle mouture législative voit enfin le jour. Composée de trente-deux articles regroupés en sept titres, cette loi propose une évolution de notre cadre bioéthique fondée sur un équilibre entre le respect de la dignité de la personne humaine, le libre choix de chacun et la solidarité entre tous. 

Quels sont les principaux changements ?

Le projet de loi vise tout d’abord à élargir l’accès aux technologies déjà disponibles en matière de procréation, sans renoncer à leur encadrement : l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes et les femmes non mariées, autoconservation des gamètes pour les femmes comme pour les hommes. Ainsi le couple hétérosexuel reste le modèle de la parentalité mais cette disposition prend acte de la diversité des modes de constitution de la famille au sein desquels le mariage est en net recul.

Les enfants nés de dons bénéficieront également de nouveaux droits, dont celui d’accéder, à leur majorité, à l’identité du donneur de gamètes, rendue possible par la création d’une commission dédiée et d’une base de données centralisée et sécurisée, gérée par l’agence de la biomédecine. 

En revanche, le respect des principes fondateurs de notre droit bioéthique que sont le respect de la dignité humaine et la non marchandisation du corps humain, conduit à maintenir l’interdiction de la gestation pour autrui (GPA). 

La filiation des enfants nés d’une PMA (procréation médicalement assistée) dans un couple de femmes sera sécurisée par un nouveau mode de filiation fondé sur une déclaration anticipée de volonté. Elle permettra aux deux membres du couple de devenir ensemble, dès la naissance, les parents de l’enfant né de l’assistance médicale à la procréation à laquelle elles auront consenti ensemble. 

Le projet promeut également la solidarité entre les personnes, notamment par le don d’organes ou de cellules souches hématopoïétiques*, sans renoncer au respect et à la protection des droits individuels. La Loi permet dorénavant le don entre personnes « pouvant apporter la preuve d’un lien affectif étroit et stable depuis au moins deux ans » et le don croisé d’organes devient possible.

Il accompagne la diffusion de nouveaux progrès scientifiques et technologiques (intelligence artificielle, neurosciences). Il traduit la volonté du gouvernement de soutenir une recherche libre et responsable, au service de la santé humaine, en levant certains verrous juridiques et en supprimant des contraintes infondées, en particulier pour la recherche sur les cellules souches. 

Dans le même temps, les valeurs éthiques françaises en matière de Recherche sont réaffirmées, comme l’interdiction de créer des embryons à des fins de recherche et l’interdiction de modifier le patrimoine génétique d’un embryon destiné à naître. 

Le projet de loi vise à poursuivre l’amélioration de la qualité et de la sécurité des pratiques concernées par le champ bioéthique. De nombreuses mesures encadrent la réalisation d’examens de génétique et la transmission des résultats.

Il permet enfin d’installer une gouvernance bioéthique adaptée au rythme des avancées des sciences et des techniques en élargissant les missions du comité consultatif national d’éthique des sciences de la vie et de la santé, notamment pour prendre en compte tous les impacts des innovations sur la santé.

Pourquoi une révision de la loi ?

En France, les premières lois dites de « bioéthique » sont au nombre de trois et datent de juillet 1994. 

Les domaines concernés par ces lois évoluant très vite, l’idée s’est d’emblée imposée qu’il fallait que celles-ci soient révisables. Cette révision périodique permet donc de débattre à intervalles réguliers des enjeux éthiques liés aux avancées de la médecine et de la biologie. Questionner la société civile est devenu un enjeu majeur et un effort de mobilisation sans précédent. 

La loi du 7 juillet 2011, relative à la bioéthique, détermine un délai maximal de sept ans pour une révision de la loi par le Parlement. Nouveauté encore, cette révision doit être impérativement précédée de l’organisation d’états généraux confiée au comité consultatif national d’éthique (CCNE). 

Le CCNE est ensuite tenu de produire, à destination des pouvoirs publics, un rapport de synthèse chargé de tenir compte de toutes les contributions recueillies. Pour aboutir à cette dernière révision de la loi en 2021, les états généraux de la bioéthique se sont déroulés de janvier à avril 2018 dans toutes les régions de France. 

Le gouvernement ne s’est toutefois pas contenté du rapport du CCNE pour préparer ce projet de loi. D’autres travaux importants ont été rendus publics par la suite : étude du Conseil d’État, avis du comité consultatif national d’éthique, évaluation de l’application de la loi de bioéthique par l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, rapport de la mission d’information mise en place à l’Assemblée nationale. Ces travaux se sont appuyés sur plusieurs centaines d’auditions.

A noter que la loi fera l’objet d’un nouvel examen d’ensemble dans un délai maximum de sept ans.

Des Etats généraux de la bioéthique : pour une éthique citoyenne

Les états généraux mettent au cœur du débat des domaines où des progrès scientifiques et technologiques ont été constants ou qui ont émergé ces dernières années, mais aussi des domaines où les opinions ont pu évoluer, interrogeant de façon directe le monde que nous voulons pour demain. 

Il s’agit là d’un appel pour amplifier une éthique citoyenne. C’est le devoir de chacun de participer à des débats engageant le sens même de la vie pour le monde d’aujourd’hui et les générations à venir.

Ces états généraux, constituant un passage obligé de la révision de la loi de bioéthique, prévoit deux dispositifs pour encourager la réflexion collective : le recueil d’avis postés sur un site internet dédié et les contributions des citoyens rassemblées par les espaces de réflexion éthiques régionaux (ERER). 

La question posée par le comité consultatif national d’éthique au lancement des états généraux résume les enjeux du débat et des arbitrages bioéthiques : « quel monde voulons-nous pour demain ? » ou encore « dans quelle société voulons-nous vivre demain ? ». Comment concilier la démarche scientifique, ses évolutions, ses innovations avec nos valeurs démocratiques et le pluralisme de nos opinions ? 

Forts de ces questionnements majeurs, ces états généraux ont permis au grand public de s’informer et d’exprimer sa propre opinion sur les sujets suivants : cellules souches et recherche sur l’embryon, les examens de génétique à l’ère de la médecine génomique, dons et transplantations d’organes, neurosciences, données de santé, intelligence artificielle et robotique, santé et environnement, procréation et société, prise en charge de la fin de vie.

Les débats publics en Guadeloupe

En Guadeloupe, le CCNE s’est appuyé sur l’EREGIN, espace de réflexion éthique de Guadeloupe et des îles du Nord, pour mettre en application localement ces états généraux. 

Plusieurs séries de débats ont ainsi pu être organisées en mars et avril 2018 sur deux thèmes : la procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation pour autrui (GPA) pour le premier et les données numériques de santé pour le second.

Close
Close

Contactez-nous

Adresse :

EREGIN – SAS IMM’EAUX
10 Quartier Sisyphe – Voie Verte, ZI de Jarry, 97122 BAIE-MAHAULT (Guadeloupe)

 

Email :
contact@eregin.com

 

Formulaire de contact :

Une question sur l’une de nos formations ou l’un de nos événements ?

 

Contactez-nous

Suivez-nous sur