22 août 2025

Transplantation rénale et nouvelles pratiques : une conférence-débat pour questionner l’éthique

Réservée aux professionnels de santé des services de réanimation, bloc opératoire, urgences, neurologie, néphrologie et d’urologie.

• A la résidence départementale au Gosier ​

• Inscription obligatoire (vous rapprocher de votre service)

À l’occasion de la journée mondiale du don d’organes et de la greffe, l’EREGIN organise une conférence-débat à destination des professionnels des services de réanimation, bloc opératoire, urgences, neurologie, néphrologie et urologie, qui aura lieu le 17 octobre 2025, à 18h00, à la résidence départementale au Gosier. Les discussions porteront notamment sur les enjeux éthiques de la transplantation rénale aux Antilles-Guyane et sur la nouvelle procédure dite de Maastricht III.

Le 17 octobre marque la journée mondiale du don d’organes et de la greffe. Instauré en 2005, ce temps fort a pour objectif d’honorer les familles de donneurs, d’encourager une réflexion collective et d’inviter chacun à en parler avec ses proches. 

C’est en écho à cette date symbolique que l’EREGIN a choisi d’organiser une conférence-débat dédiée à cette cause. La rencontre sera animée par le professeur Gérard AUDIBERT, directeur du site d’appui Lorrain – Espace de réflexion éthique Grand-Est et le docteur Roland LAWSON, médecin réanimateur et responsable de la coordination hospitalière du prélèvement d’organes et de tissus – CHU de la Guadeloupe.

Les échanges porteront sur le don d’organes avec un focus particulier sur la transplantation rénale et le nouvelle procédure dite Maastricht III .

Depuis 2004, le CHU de Guadeloupe est le seul établissement de la région Antilles-Guyane habilité à réaliser des greffes d’organes. Seules les transplantations rénales y sont actuellement pratiquées, en réponse à un besoin de santé publique majeur. En effet, les maladies rénales (principalement liées à l’hypertension artérielle et au diabète) touchent, en proportion, deux fois plus de personnes aux Antilles-Guyane que dans l’Hexagone.

De nombreux dilemmes éthiques

Le don d’organes post-mortem soulève toutefois plusieurs enjeux éthiques d’importance. En France, il repose sur le principe du consentement présumé, ce qui nécessite une information claire du public et un dialogue en amont avec les proches pour éviter des refus par méconnaissance des volontés du défunt. Le prélèvement peut également être perçu comme une forme de mutilation du corps, ce qui exige un respect scrupuleux de la dignité du défunt et des soins post-prélèvement adaptés. 

Le don d’organes implique aussi une définition rigoureuse de la mort avant tout prélèvement et une répartition équitable des greffons selon des critères médicaux et des principes d’équité. Du côté des professionnels de santé, les dilemmes sont nombreux comme celui d’accompagner une famille dans le deuil tout en évoquant le don, ou encore de réaliser un prélèvement dans un temps contraint sans altérer la relation de soin. 

Lors de cette conférence, il sera aussi question de la procédure dite de Maastricht III, bientôt mise en œuvre au CHU de Guadeloupe. Cette procédure désigne les prélèvements d’organes effectués après un arrêt cardiaque contrôlé, consécutif à une décision médicale d’arrêt des traitements de réanimation. C’est l’Agence de biomédecine qui a élaboré ce protocole national en 2014 pour faire face à la pénurie de greffons. 

La procédure Maastricht III s’accompagne également de questionnements éthiques spécifiques : comment garantir que la décision d’arrêt des traitements soit prise de façon totalement indépendante du projet de don d’organes ? Ne prend-on pas le risque que la mort devienne « un moment technique » calibré pour rendre possible le prélèvement, au détriment de l’accompagnement humain ? Quelles garanties offre-t-on pour maintenir la confiance du public ? Cette procédure suppose des pratiques transparentes, une formation solide des équipes ainsi que des protocoles clairs. Autant de conditions nécessaires pour que le prélèvement d’organes reste un acte de soins, empreint de respect et compris par tous.

Augmenter le nombre de greffons rénaux destinés aux patients antillo-guyanais.

Le CHU de Guadeloupe s’apprête à mettre en œuvre la procédure Maastricht III. Une première aux Antilles-Guyane. Le Dr Roland Lawson explique les étapes, les enjeux et les perspectives de ce dispositif de prélèvement d’organes.

Deux experts de l’Agence de la Biomédecine sont venus au CHUG en mars 2025 pour préparer la mise en place de la procédure Maastricht III, déjà en vigueur dans l’Hexagone depuis fin 2014.

Comment cette étape s’est-elle concrètement déroulée ?

Cette visite s’inscrivait dans le cadre de la dernière phase de la procédure de candidature du CHU de la Guadeloupe pour organiser le prélèvement sur donneurs décédés après arrêt circulatoire de la catégorie III de Maastricht (M III). En amont, les experts avaient pris connaissance du dossier de candidature de notre établissement. Leur mission consistait à rencontrer les membres de la direction du CHU et les différents professionnels de santé, concernés par cette procédure ; mais aussi à vérifier la conformité des installations. Cette visite s’est soldée par une réunion de restitution qui fut très enrichissante.

Quels sont les critères nécessaires pour qu’un établissement puisse mettre en place cette procédure ?

Le prélèvement d’organes dans le cadre du Maastricht III est basé sur un protocole national. Plusieurs prérequis sont nécessaires : d’une part une réflexion éthique en réanimation sur la décision de participer à cette activité, avec mise à jour des procédures de décision et de réalisation d’arrêt des thérapeutiques actives, dans le respect des préconisations de la loi Léonetti. D’autre par la présentation du projet aux différentes instances de l’établissement (direction, commission médicale d’établissement (CME)…). Il est aussi prévu l’envoi d’une lettre d’intention à la direction générale de l’Agence de la Biomédecine, un accord sur l’investissement en matériel, la mise en place d’un comité de pilotage (COPIL) et la rédaction des différentes procédures selon le protocole national.

Pourquoi le CHU de Pointe-à-Pitre ne lance-t-il cette procédure qu’aujourd’hui ?

La réflexion au sein du CHU de la Guadeloupe a débuté en juin 2019. Elle fut interrompue par la pandémie à COVID 19 et reprise en 2024. Cependant, nous avons pu valider plusieurs pré requis durant cette période.

En quoi la mise en œuvre de Maastricht III va-t-elle modifier les pratiques au sein du CHU et, plus largement, dans la zone Antilles-Guyane ?

La mise en place de Maastricht III ne va pas modifier la procédure d’arrêt des thérapeutiques actives qui est bien codifiée dans le cadre de l’obstination déraisonnable dans notre service de réanimation. En revanche, pour pouvoir enclencher une procédure Maastricht III, dans l’objectif de prélever des organes, il est nécessaire d’avoir recours, après le décès, à une Circulation régionale normo-thermique : circulation extra-corporelle permettant d’oxygéner les organes intra-abdominaux jusqu’au prélèvement. Ce qui doit être précédé d’un entretien avec les proches pour recueillir leur adhésion et connaître l’opinion du patient. Cette nouvelle approche de la fin de vie nécessite une collaboration pluri disciplinaire : réanimateurs, coordination hospitalière, bloc opératoire, chirurgiens… À ce jour, seul le CHU de la Guadeloupe a l’autorisation de réaliser ce type de prélèvement au sein de l’inter-région Antilles-Guyane.

Quelles conséquences cela aura-t-il pour les professionnels de santé du CHU et pour ceux des autres structures, comme les centres de dialyse ?

La procédure Maastricht III va soulever des questionnements éthiques chez les professionnels de santé d’où l’intérêt de la conférence débat du vendredi 17 octobre 2025.

Un dispositif de suivi est-il prévu afin d’évaluer l’impact de cette procédure ?

Dans le cadre du protocole, le retour d’informations à l’Agence de la Biomédecine est obligatoire pour pouvoir évaluer cette activité tant au niveau du prélèvement que de la greffe et garder l’autorisation.  

Pensez-vous que Maastricht III pourra contribuer à améliorer le don d’organes ? À l’inverse, ne risque-t-elle pas de renforcer certaines réticences ?

L’arrêt des thérapeutiques actives est une procédure bien encadrée depuis la loi Léonetti de 2005 et totalement indépendante du processus de don d’organes Maastricht III, en vigueur en France depuis fin 2014. La séparation entre les soins de fin de vie et le Maastricht III contribue à améliorer le don d’organe. L’expérience montre que les familles accueillent plutôt favorablement le don dans ce cas, si le patient n’y était pas opposé. La mise en place de cette procédure a pour but d’augmenter le nombre de greffons rénaux destinés aux patients Antillo-Guyanais. En effet, dans l’hexagone, 14 % des greffes rénales sont actuellement réalisées grâce à cette catégorie de donneurs.

Qu’attendez-vous de la venue du Professeur Audibert à l’occasion de la conférence-débat du 17 octobre en Guadeloupe ?

Le Professeur Gérard Audibert, médecin réanimateur, directeur du site d’appui lorrain de l’Espace de Réflexion Ethique Grand-Est, abordera les grands questionnements éthiques soulevés par le Maastricht III et répondra aux interrogations des professionnels de santé.

Don d’organes et arrêt de traitement : un équilibre éthique

« En réanimation, 50 à 80 % des patients, selon les unités, décèdent dans les suites d’une limitation ou arrêt de traitement (LAT). Dans le monde, depuis près de 20 ans, chez ces patients a été institué la possibilité d’un prélèvement d’organes. Ces donneurs sont dénommés donneurs décédés d’arrêt circulatoire (dits aussi Maastricht III) pour les différencier des donneurs en état de mort encéphalique.

La première question éthique soulevée par ce type de prélèvement est le nécessaire cloisonnement entre la décision de LAT et la procédure de don d’organe. En effet, la procédure de LAT doit être conduite selon les habitudes de l’équipe de réanimation sans penser à un don d’organe éventuel et sans aucune intervention de l’équipe de coordination de prélèvement d’organe. Une fois la LAT actée, selon les différentes étapes de la loi Léonetti, et alors seulement, sera discutée la possibilité d’un don d’organe. L’étanchéité des filières doit être une condition absolue qui protège les patients, leurs proches et les équipes soignantes. 

Lorsque la famille aura témoigné de l’absence d’opposition du donneur de son vivant à un don d’organes, l’arrêt de traitement sera effectué avec une temporalité plus rapide qu’un arrêt de traitement habituel. En effet, l’arrêt circulatoire doit survenir dans les trois heures qui suivent l’arrêt de traitement pour préserver la qualité des organes prélevés. La sédation profonde (obligatoire dans tout arrêt de traitement en réanimation) ne doit pas entrainer un décès trop rapide pour ne pas être accusée de le provoquer.

Cette temporalité rapide peut également entrainer une impression d’instrumentalisation du corps qui doit être évitée par les équipes. La présence des proches jusqu’à l’arrêt circulatoire (s’ils le souhaitent), la prévenance des équipes soignantes doivent permettre de maintenir le respect dû au patient qui s’en va.

Ainsi, le prélèvement d’organes chez des patients Maastricht III doit maitriser ces différentes problématiques pour garantir la sérénité des équipes soignantes, contribuer à un deuil apaisé des proches et  apporter au patient une mort respectueuse. »

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